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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie

 

 

                                          galaxies-premieres-hubble-2004.jpg

les galaxies primordiales (télescope Hubble, 2004) 

 

 

 

  

     Il y a quelques semaines, grâce à sa nouvelle optique infrarouge, le télescope spatial Hubble a pu prendre des clichés de galaxies situées à 13,1 milliards d’années-lumière, un record… Contempler de tels objets astronomiques, c’est en réalité regarder loin dans le passé – nous l’avons déjà évoqué, notamment dans le sujet distances et durées des âges géologiques – et c'est observer l’Univers tel qu’il était il y a plus de 13 milliards d’années, lorsqu’il venait juste de naître, bien avant l’apparition de notre système solaire. On situe le Big-bang, la création de notre univers, quelque part vers – 13,7 milliards d’années : les galaxies observées par Hubble sont donc parmi les premières à avoir existé. Sait-on comment elles se sont formées et, plus généralement, pourquoi la matière a pris cet aspect, une issue qui a mené à ce que nous sommes aujourd’hui ?

 

 

 

La théorie hiérarchique

 

 

la classification de Hubble

 

     En 1924, Edwin Hubble décrypta pour la première fois dans l’histoire Hubble-telescope-Wilson.gifde l’Humanité la nature exacte des galaxies qu’on appelait encore « nébuleuses » et démontra de façon définitive que ces « halos de lumière » flous et plus ou moins visibles n’appartiennent pas à notre galaxie, la Voie lactée, mais sont situés en dehors d’elle ; en d’autres termes, il avança cette nouvelle incroyable pour l’époque : la matière existe en dehors de notre propre concentration d’étoiles et l’Univers est infiniment plus vaste qu’on ne le croyait. On sait à présent que des galaxies comme la nôtre (qui contient approximativement 150 à 200 milliards d’étoiles), il en existe des milliards ce qui fait beaucoup de matière… mais dans un univers si étendu qu’il est néanmoins composé à plus de 99% de vide !  Fort de sa découverte et du fait qu’il pilotait le télescope du Mont Wilson, probablement le plus performant de ce début du XXème siècle, Hubble commença par classer les objets célestes qu’il venait de découvrir en différentes catégories, s’appuyant sur le seul élément dont il disposait, leur apparence. Il décrivit ainsi des galaxies arrondies baptisées par lui elliptiques, des galaxies avec un disque central ou lenticulaires, des galaxies possédant des bras s’enroulant autour d’un bulbe central ou spirales, certaines d’entre elles barrées dans leur centre, etc. (voir le sujet : les galaxies). Comparant ces objets astronomiques qu’il venait de découvrir, il chercha à systématiser leurs aspects afin de mieux organiser leur classification.

 

 

Le scénario hiérarchique

 

     Bien que passant pour les plus performants de leur époque, les instruments de Hubble

galaxies E. Hubble
classification des galaxies par Edwin Hubble

étaient encore relativement imprécis et le scientifique avait du mal à apprécier les tailles relatives des différents types de galaxies. Il imagina néanmoins que tous ces objets dérivaient les uns des autres : par exemple, les galaxies elliptiques (qualifiées par lui de « précoces »), devenaient spirales (qu’il désignait comme « tardives ») en acquérant des bras, etc.  Il s’agissait donc d’une approche évolutive, un peu à la manière de celle des êtres vivants.

 

     Par la suite, surtout à partir des années 1960-70, on repensa la classification de Hubble en prétendant au contraire que c’était, par exemple, les galaxies spirales qui, en fusionnant avec d’autres, perdaient leurs bras pour donner une galaxie elliptique mais une chose restait sûre : ces formations découlaient toutes les unes des autres selon une hiérarchisation qui restait à définir de façon formelle. On parla alors de scénario hiérarchique, scénario au sein duquel la fusion entre les galaxies était l’explication principale, le moteur de leur évolution en entités toujours plus importantes. De ce fait, il devenait évident que, en regardant de plus en plus loin dans l’espace (et donc dans le passé) on retrouverait les éléments précurseurs, ces toutes premières galaxies qui devaient être très petites, voire naines, plutôt irrégulières et devant fusionner en grand nombre.

 

 

 

Les observations

 

 

     Jusqu’au début des années 2000, le scénario hiérarchique fait pratiquement l’unanimité des astronomes car il explique assez bien l’apparition des galaxies quelques centaines de millions d’années après le Big-bang.  Depuis les années 70, on sait que contrairement à ce qui était auparavant affirmé, les chocs entre galaxies sont fréquents et on peut en observer avec les instruments de l’époque. En réalité, il existe (comme on l’a déjà souligné) tellement de vide entre les étoiles que lorsque deux galaxies, ces monstres cosmiques renfermant des milliards d’étoiles, se heurtent et s’interpénètrent, il n’existe jamais de chocs frontaux entre étoiles : tout se passe au niveau des attirances gravitationnelles et, de loin, on peut observer la galaxie résultante prendre

fusion de galaxies

une configuration différente de celles des galaxies qui l’ont formée : par exemple, deux galaxies spirales en fusionnant perdent leurs bras pour donner naissance à une galaxie géante elliptique, arrondie, dont les étoiles voient leurs trajectoires complètement désorganisées avant d’être « réajustées » par les nouvelles forces gravitationnelles présentes. Je précise que ces phénomènes cosmiques gigantesques dépassent bien sûr la durée des vies humaines et même des civilisations puisque s’étendant sur des millions d’années et que, de « l’intérieur », d’éventuels observateurs ne verraient… rien de particulier, si ce n’est – peut-être – une densité d’étoiles un peu plus élevée qu’attendue.

 

     Puisqu’on peut observer de telles fusions galactiques, comment ne pas imaginer que les premières galaxies se soient ainsi formées par fusions successives pour aboutir aux géantes que l’on connait aujourd’hui, d’autant qu’en ces temps primordiaux, l’Univers était moins étendu, les galaxies plus proches les unes des autres et les fusions forcément beaucoup plus nombreuses ? Un autre argument est en faveur du scénario : les fusions galactiques, si elles ne provoquent pas de catastrophes entre les étoiles déjà formées, entraînent de profonds remaniements dans la répartition et l’état des gaz galactiques avec pour conséquence une explosion de la création d’étoiles, la fusion pouvant être assimilée à une véritable crèche stellaire : voilà comment expliquer la création des premières étoiles, ces soleils aujourd’hui disparus que l’on qualifie d’étoiles primordiales car dépourvues d’éléments atomiques lourds (qui ne pourront apparaître qu’avec les générations ultérieures).

 

     Il subsiste quand même quelques interrogations. La fusion de deux voie_lactee.jpggalaxies conduit à un objet plus gros (c’est la logique qui le veut) où le maximum d’étoiles se retrouve au centre, dans ce que l’on appelle le bulbe galactique (et ça, ce sont les simulations informatiques qui l’ont démontré sans appel). Problème : notre propre galaxie, la Voie lactée, ne renferme que 20% de ses étoiles dans son bulbe et ce chiffre est peu compatible avec un accroissement de taille par fusion… Et notre galaxie est loin d’être la seule ! Il existe même des galaxies aussi grosses que la nôtre qui n’ont pas de bulbe central du tout. Pourquoi ?

 

     En 2004, d’extraordinaires images proviennent du télescope spatial Hubble : celles faisant partie du « Hubble Ultra Deep Field » et qu’on peut observer au début de ce sujet. Les scientifiques constatent une différence considérable entre 700 millions d’années où il n’y a que peu de galaxies et 900 millions d’années où elles sont très nombreuses : quelque chose s’est joué entre ces deux dates. Toutefois, il existe toujours une incertitude : les galaxies observées n’ont pas l’air de fusionner plus qu’aujourd’hui et, surtout, elles ne possèdent pas les gros bulbes (de fusion) qu’elles devraient avoir…

 

     Deux ans plus tard, grâce au plus grand télescope terrestre, le VLT, installé au Chili, des astronomes observent une galaxie plus récente mais quand même fort ancienne puisqu’existant « seulement » trois milliards d’années après le Big-bang or cette dernière ressemble tout à fait à la Voie lactée… sauf qu’elle fabrique bien plus d’étoiles qu’elle. Comment expliquer un tel objet si tôt dans l’Univers ? Ce ne peut pas être le résultat de fusions de galaxies naines car il n’y a pas eu assez de temps pour ça.

     Il y a quelques jours, le 5 janvier 2010, l’équipe du télescope spatial galaxies-premieres-Hubble-2010.jpgautorise la publication d'une extraordinaire photo du ciel lointain (ci-contre) légendée ainsi : « This is the deepest image of the universe ever taken in near-infrared light by NASA's Hubble Space Telescope. The faintest and reddest objects (left inset) in the image are galaxies that correspond to "look-back times" of approximately 12.9 billion years to 13.1 billion years ago. No galaxies have been seen before at such early epochs. These galaxies are much smaller than the Milky Way galaxy and have populations of stars that are intrinsically very blue. This may indicate the galaxies are so primordial that they are deficient in heavier elements, and as a result, are quite free of the dust that reddens light through scattering. » (Il s’agit de la vue la plus profonde de l’Univers jamais prise en lumière infrarouge par le télescope spatial Hubble de la NASA. Les objets rouges et à peine visibles de l’image (insérés à gauche) sont des galaxies qui correspondent à une « vision dans le passé » d’environ 12,9 à 13,1 milliards d’années. Jamais aucune galaxie n’avait été vue à une époque aussi reculée. Ces galaxies sont plus petites que la Voie lactée et possèdent des populations d’étoiles qui sont intrinsèquement très bleues. Ceci pourrait vouloir dire qu’elles sont si primitives qu’elles sont déficitaires en éléments lourds et, de ce fait, pratiquement libres de toute poussière pouvant rougir la lumière par dispersion). Mais, semble-t-il, toujours pas plus de fusions galactiques. Alors ?

  

 

 

Théorie alternative

 

 

     L’image la plus ancienne de l’Univers que l’on possède est celle du rayonnement fossile appelé fonds diffus cosmologique : c’est le témoin de la distribution de la matière juste après le Big-bang (voir sujet : fonds diffus cosmologique).  Toutefois, cette diffusion ne s’est pas faite de façon parfaitement homogène comme en témoigne la répartition des galaxies : celles-ci se distribuent le long de lignes  appelées par les astronomes « filaments cosmiques » qui parsèment l’Univers en une sorte de gigantesque toile d’araignée et entre lesquels il n’y a que du vide. Pour de nombreux scientifiques ces filaments devraient d'ailleurs être composés de cette fameuse matière noire dont, comme l'Arlésienne, ongaz-galactique--rouge-froid-et-bleu-chaud-.jpg parle toujours sans jamais la voir mais il s'agit là d'une autre affaire... Or, selon la théorie du Big-bang, il a existé dans l’Univers primordial des courants « froids » d'hydrogène, en fait des masses de gaz sous l’effet de la gravitation (lorsqu’on dit courants froids, tout est relatif puisque leur température est d’environ 10 000°, à comparer aux millions de degrés des autres courants gazeux en mouvement). On peut penser que ces gaz, plus denses, ont fini par se retrouver  le long de ces filaments cosmiques pour y rencontrer la matière accumulée là et provoquer la formation de très nombreuses étoiles. Ces étoiles se sont ensuite regroupées en des objets plus massifs, les premières galaxies. Cela ne veut pas dire que les fusions du scénario hiérarchique n’ont pas eu lieu mais qu’elles sont moins importantes qu’on le pensait pour l’élaboration de ces premiers groupements d’étoiles.

 

     Cette nouvelle approche, connue sous le nom de « théorie des courants froids » a reçu un début de consécration puisque de nombreuses équipes d’astronomes travaillent sur les simulations induites par cette hypothèse, simulations qui vont bien dans le sens souhaité par la nouvelle théorie… Selon ses défenseurs, la théorie expliquerait la création des ¾ des galaxies jusqu’à l’âge d’environ 6 milliards d’années de l’univers, époque de l’épuisement naturel de ces courants gazeux. A partir de ce moment et jusqu’à aujourd’hui, ce sont les collisions et fusions entre galaxies qui ont pris le relai dans la formation des nouvelles galaxies et étoiles. 

 

     Le successeur du télescope Hubble (le télescope spatial James Webb), attendu avec impatience par la communauté scientifique, apportera sans doute de nouvelles informations sur cet univers si lointain, dans le temps et dans l’espace, et tranchera vraisemblablement de manière définitive entre les deux approches.  Il nous en apprendra certainement beaucoup plus sur les premiers moments de notre univers puisque nous avons la chance que nos télescopes soient, d’une certaine façon, de vraies machines à remonter le temps. On a hâte de le voir à l’œuvre.

 

     Ce qu’il y a, par ailleurs, d’extraordinaire, c’est de constater le fantastique accroissement de nos connaissances ces derniers temps : on dit qu’on a plus progressé en savoir ces trente dernières années que depuis le début de la conscience humaine. La technique et les machines, sans doute, permettent cela mais aussi l’esprit des hommes, de moins en moins dépendant des prisons conceptuelles, des idées toutes faites, des aprioris dogmatiques et des préjugés. Et ça, c’est une bonne nouvelle.

 

 

 

Note : mars 2016 : la plus ancienne galaxie (pour le moment)

 

     Record battu pour le télescope spatial Hubble : il vient de repérer la plus ancienne galaxie jamais observée par l'Homme. Baptisée GN-z11, elle est située à 13,4 milliards d'années de nous et comme on a estimé l'âge de l'Univers à 13,8 milliards d'années, cela veut dire que ce dernier était âgé de seulement 400 millions d'années lorsque l'image de GN-z11 a été émise...

     Le précédent record concernait une galaxie âgée de 580 millions d'années mais il y a gros à parier que le futur télescope spatial James Webb trouvera encore plus loin... En attendant, cette lointaine cousine de la Voie lactée nous confirme que nous ne savons pas grand chose sur les premiers instants de l'Univers.

     En effet, bien que 25 fois plus petite que notre galaxie, GN-z11 en est quand même une "vraie", bourrée d'étoiles jeunes, et les scientifiques sont obligés de revoir leurs modèles de formation des galaxies : ils ne s'attendaient pas à voir un objet si massif si tôt, à peine 200 à 300 millions d'années après la formation des premières étoiles et donc si près du Big bang...

 

(in "le journal du blog de cepheides, 15 mars 2016, sur Facebook - lien ci-après)

 

 

 

Images :

 

1. télescope Hubble 2004 : les premières galaxies

(sources : www.planetastronomy.com)

2. Edwin Hubble et le télescope du Mont Wilson (sources : www.heise.de)

3. classification des galaxies selon E. Hubble (sources : www.astropolis.fr)

4. Fusion de galaxies : Arp87, 300 millions d’al, const. du Lion, février 2007

(sources : alluniversal.blogspot.com)

5. la Voie lactée (sources : www.notre-planete.info)

6. télescope Hubble 2010 (sources : hubblesite.org/newscenter/)

7. gaz galactique : selon le codage retenu, le gaz froid est en rouge et le chaud en bleu (sources :  blogs.lexpress.fr)

 (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : télescope spatial Hubble - site du télescope spatial Hubble (en anglais) - fusions galactiques - univers primitif - Edwin Hubble - Big-bang - galaxies - étoiles primordiales - Hubble Ultra Deep Field - VLT (Very Large Telescope) - fonds diffus cosmologique - filaments cosmiques - matière noire - gaz galactiques - télescope spatial James Webb

(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. matière noire et énergie sombre

2. les galaxies

3. trous noirs

4. pulsars et quasars

5. Big Bang et origine de l'Univers

6. juste après le Big bang

7. les étoiles primordiales

 

 

 

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Mise à jour : 3 mars 2023

 

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Du même auteur, en lecture libre :

 

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